TROIS COULEURS (LES)

TROIS COULEURS (LES)
TROIS COULEURS (LES)

TROIS COULEURS LES

Le nombre des couleurs franches et héraldiques étant fort limité, la combinaison du bleu, du blanc et du rouge fut assez fréquente en France à travers les siècles. Des manuscrits à peintures ont utilisé la bande tricolore depuis Philippe V le Long (1316-1322) et surtout sous Charles V (1364-1380), mais ils ne sont pas tous d’origine royale. Par contre, le dauphin futur Charles VII (1419), Charles IX (1566-1570), Henri IV (1591) et Louis XIII ont eu la livrée aux couleurs vermeil (ou rouge, ou incarnat), blanc et bleu, tout comme les autres rois Bourbons. Le jésuite Ménestrier explique ainsi ces couleurs: «La livrée des rois de France, branche de Bourbon, est tricolore: blanc, incarnat et bleu, le bleu à cause du fond des armes de France, ancienne couleur des rois, l’incarnat à cause du champ de gueules des armes de Navarre et le blanc parce qu’il est de temps immémorial la «couleur propre de la nation» (autour de 1670). Le bleu dérive effectivement du champ d’azur des armes de France, provenant du manteau cosmique du sacre. Le rouge était en réalité la couleur de l’oriflamme, du drapeau rouge à croix blanche servant depuis le XVe siècle, du pavillon des galères, des «brisures» des princes cadets sur l’écu royal. Henri IV, déjà roi de Navarre (ayant ainsi des chaînes d’argent sur champ de gueules), unit tout cela sur sa «cornette des couleurs et livrées», deux fois rayée horizontalement de tricolore, sa «devise» brochant. Le blanc était le champ de l’écu à croix rouge des Français sous les croisades, symbole pris par la suite en Angleterre; on sait que les bandes de Du Guesclin allant en Castille venger la mort de la reine Blanche de Bourbon s’ornaient de croix blanches, d’où le surnom de «compagnie blanche» (1366). Vers la fin de la guerre de Cent Ans, le blanc devint officiellement la couleur de la croix des Français, de l’étendard fleurdelisé d’or du Roi du Ciel porté par sainte Jeanne d’Arc. La France est représentée comme une femme en robe blanche fleurdelisée d’or dans Les Vigilles de Charles Septiesme de Martial de Paris (1484). Au XVIe siècle, le blanc devint couleur de commandement pour celui qui agissait au nom du roi.

Le pouvoir municipal révolutionnaire de Paris créa, le 13 juillet 1789, une nouvelle milice parisienne à cocarde bleu et rouge, antiques couleurs de Paris (dès 1358, l’écu de la ville montrait un bateau d’argent sur champ de gueules sous un chef d’azur fleurdelisé d’or). Venu le 17 à Paris, Louis XVI reçut des mains du maire Bailly une cocarde qu’il plaça à son chapeau: il est difficile de dire si elle était bleu et rouge, ce qui, avec la cocarde blanche du roi, aurait recréé le tricolore, ou si elle était déjà bleu, blanc, rouge, car La Fayette l’aurait déjà inventée le 16, quand il fut nommé commandant général de la milice, en unissant les couleurs du roi et de la nation à celles de la ville. La présence de nombreux gardes-françaises (dont l’uniforme était tricolore) dans la milice qui deviendra garde nationale et le souvenir des couleurs américaines durent jouer un rôle le 22 mai 1790. Louis XVI, balayant les cocardes blanc et noir de l’armée, imposera la cocarde tricolore surnommée «nationale» ou «de la liberté»: on ne sait pourquoi les Mémoires de Louis-Philippe Ier et L’Appel de Louis XVI à la nation (1793) la présentent uniquement comme la livrée des Orléans. Le 27 pluviôse an II (15 févr. 1794), la Convention nationale décida que la marine aurait le pavillon entièrement tricolore, bleu (à la hampe), blanc et rouge, à partir du 1er prairial (20 mai), date de naissance de l’actuel drapeau français. Les armées de la Révolution, du Consulat puis de l’Empire accommodèrent de diverses manières les trois couleurs, et il fallut attendre 1812 pour que les drapeaux, étendards et guidons aient les trois bandes verticales, à l’image du drapeau qui flottait au-dessus du pavillon central des Tuileries quand Napoléon Ier y résidait (c’est vers 1793 que l’on mit un drapeau tricolore en cet endroit, car la Convention siégeait à côté).

Mouchoirs, drapeaux et cocardes de couleur blanche apparurent à Paris dès le 31 mars 1814; le 9 avril, le gouvernement provisoire décida que la garde nationale prendrait la cocarde blanche alors que le drapeau blanc fleurissait partout en une France occupée et passant aux Bourbons. Apparus le 27 juillet 1830 à Paris, la cocarde et le drapeau tricolores furent légalisés les 1er et 6 août par le lieutenant général duc d’Orléans et inscrits dans la charte du 14 suivant (art. 67). Le drapeau tricolore ne variera plus jusqu’à nos jours.

L’opposition idéologique entre le drapeau blanc et le tricolore date de 1789-1790. Les officiers emportèrent souvent avec eux la cravate blanche de leur drapeau qui devait être remplacée par la tricolore (27 oct. 1790) et le blanc régna sur les cocardes, brassards, drapeaux de l’émigration, comme en Vendée. Le 19 octobre 1790, Mirabeau à la tribune de l’Assemblée nationale avait d’ailleurs opposé «la couleur blanche de la contre-révolution» et «les couleurs de la liberté». Louis XVIII déclarait en 1815 que le tricolore était «les couleurs d’une nation rebelle». 1830 ne pouvait que souligner l’opposition. Henri V fit du drapeau de Charles X le symbole de ses idées de légitimité et d’autorité, alors que le duc de Nemours lui écrivait le 15 janvier 1857 que la première des trois conditions pour une fusion était le «maintien du drapeau tricolore, qui est aujourd’hui aux yeux de la France le symbole du nouvel état de la société, et le résumé des principes consacrés depuis 1789». La guerre de 1914-1918 et l’orléanisme des royalistes d’Action française fit accepter le tricolore à la plus grande partie des Français de tradition, des catholiques désirant cependant le sanctifier par l’image du Sacré Cœur de Jésus (campagne pour le Sacré Cœur en 1914-1918). À notre époque, le tricolore fait d’ailleurs figure d’emblème réactionnaire pour les tenants du drapeau rouge ou du drapeau noir. Servant à tous les usages, civils et militaires (contrairement à ce qui se passe dans d’autres nations où les drapeaux sont parfois très diversifiés), le drapeau tricolore flotte sur les bâtiments publics, ceux de l’État comme ceux des municipalités. Les unités des armées ont des drapeaux de soie, ornés et frangés d’or. Les trois couleurs verticales ont été adoptées aussi par l’Italie, par la Belgique, par le Mexique, par la Roumanie et par de nombreux pays africains.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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